"Quand la sincérité du désir n'est plus,
le n'importe quoi orgueilleux fait école 
et le terrorisme triste de l'avant-gardisme
finit dans un conformisme à l'envers 
où le Beau est une faute.

Dans un temps d'Imposture, disait Bernanos,
le scandale est dans la vérité. C'est en cela que la peinture de Géneau tient du scandale
dans notre Modernité suicidaire. Géneau a
l'audace de la sincérité, l'originalité de la
simplicité, le courage du plaisir esthétique,
la force de la subtilité des couleurs.

Il ne congédie pas la réalité au nom de l'idée
comme dans la peinture abstraite, il ne vise pas un plus réel que le réel dans une hyperréalité fantasmatique, il ne cherche pas à tromper l'œil comme le fameux Zeuxis. Il sait que la beauté comme la poésie ne sont ni dans les choses, ni hors des choses, mais dans notre regard, cet instantané d'éternité.

Face à ses oeuvres, j'ai envie de pasticher Diderot dans son éloge de Chardin lors du salon de 1765 : "vous venez à temps,
Géneau, pour recréer nos yeux".

Cet artiste sait tirer l'éternel du transitoire,
le sublime de l'ordinaire, le précieux
du périssable. Il a su hisser la peinture au-delà d'elle-même à partir d'elle même. Certes, tout ici doit passer par les yeux, mais c'est à partir
de la vue que naissent des correspondances synesthésiques chères à Baudelaire.
Dans ses toiles, "il est des parfums frais
comme des chairs d'enfants, doux comme
les hautbois, verts comme les prairies".

Ses compositions florales et cristallines,
qui cultivent parfois l'insolite pour le bonheur du geste, ont l'équilibre et la subtile évanescence de la musique classique où des notes "s'enchiffonent" dans un froissement d'archives".


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Il y a une pudeur d'Avril dans cette efflorescence d'été, un goût d'immaculé
dans ses conceptions. Ses bouquets à la courbure féminine s'étirent dans une impudique candeur au-dessus de leur vase comme des nymphes fraîchement mouillées sortiraient de l'ambiguïté.

Un doigt mystérieux semble retenir leurs pétales ingénus qui valent une caresse d'Éros. 
Le regard est comme ému de cette virginité qui s'offre dans une vaporeuse indécence.
Un geste de trop, et ses douces Eurydices s'évanouiraient à jamais dans une brume matutinale où se noient déjà les contours.

Un voile diaphane "flouifie" l'aridité des choses et des êtres qui se dessinent sans violence dans une étrange pureté lumineuse. Une soyeuse sensualité filtre ainsi de l'imperceptible dans une pâle fraîcheur d'Apocalypse.

Rien de plus mystérieux que ce que l'on
ne voit pas dans ce que l'on voit ; rien ne rappelle davantage au désir et au plaisir que
ce manque dans ce qui pourtant se donne. 
"Le Beau, disait Valéry, est la représentation de ce qu'il y a d'indéfinissable dans les choses" ; or, c'est cet Irréductible que son pinceau érotise. 

Géneau excelle à la transparence. Il place
les objets dans cette frange incertaine,
cette "intermédiarité" précaire où l'œil 
voit l'invisible. 

Dans cette diaphanie picturale, la Beauté n'est pas forcée,elle se dépose et repose, s'évapore ainsi que d'un ostensoir. 
C'est comme si Chardin se mariait à Watteau,
comme si l'Épiphanie de la matière sortait d'un suaire imaginaire.

Jean-Pierre CHOPIN.